100 jeunes (les 3M, 4M, 3G4 et 3G2) des cours de morale, religion catholique et citoyenneté de Etudier en Hainaut : Athénée provincial de La Louvière ont contextualisé la BD d'Hergé "Tintin au Congo", dans le cadre du projet «La société des bulles». Ils ont fait leur devoir de mémoire, avec Jacques Schraûwen, chroniqueur BD sur la Première (RTBF).
Alors, il était raciste Hergé ? Antisémite ? Pas si vite… Jacques Schraûwen a surtout insisté sur la nécessité de contextualiser le moment historique où une BD est publiée. «Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc… Il faut toujours contextualiser pour saisir la portée d’une oeuvre».
Reflet d’une époque
« La BD est d’abord le témoin de la société dans laquelle elle est publiée, le témoin d’une époque. Ici, il s’agit du colonialisme et d’un racisme latent en Europe, qu’il ne faut pas nier», a-t-il expliqué. Contextualiser, ce n’est ni excuser, ni pardonner, c’est comprendre.
«Etaient, par exemple, antisémites : Caran d’Ache, Daudet, les frères Goncourt, Zola. C’était l’époque de l’affaire Dreyfus. Et dans Tintin en Russie, il y a carrément un anticommunisme frontal.»
Faut-il brûler « Tintin au Congo »?
«Je ne suis pas super fan de Tintin, il est trop parfait. Dans « Tintin au Congo», tout est caricatural. Les noirs sont présentés comme des gens sans culture, seulement capables d’obéir. Faut-il brûler cet album ? Faut-il en conclure qu’Hergé était raciste. Hergé a aussi caricaturé des juifs avec des nez crochus. Était-il antisémite? Par après, quand ses albums n’ont plus collé aux idées du jour, des vignettes ont été réécrites, les méchants personnages juifs ont été retirés de l’œuvre d’Hergé. »
Devoir de mémoire
« En fait, je ne porte pas de jugement, je dis que ces livres sont à lire parce qu’ils font partie de notre histoire, de notre culture et qu’un devoir de mémoire peut se faire à travers le vecteur qu’est la BD, y compris au Congo», affirme le chroniqueur radio, né au Congo et dont l’album préféré d’Hergé reste « Coke en Stock », ou sur le plan artistique, « Le Lotus bleu ».
La BD, ce média intelligent
Jacques Schraûwen a poursuivi avec une incitation à porter notre regard plus loin, plus haut, au-delà des apparences et de la pensée unique.
«La BD est un média intelligent parce qu’il réveille la conscience. Lisez des BD qui interrogent notre époque ! Lisez des BD qui parlent de vous, des mangas qui parlent de la vie à Tokyo, des auteurs comme Hermann qui parlent de la guerre en Serbie. Entrez dans des univers qui peuvent vous faire réfléchir pour être autre chose que des pantins, des otages mercantiles, aux mains de ceux qui veulent diriger le monde à leur manière », a-t-il conclu.
Un feu sacré fabuleux
Un dialogue s’est engagé, entre les étudiants en Arts, notamment, qui l’ont questionné sur la façon dont il qualifie la BD d’aujourd’hui. «Ca file dans tous les sens. Elle est multiforme, on y aborde le harcèlement avec humour, il y du surréalisme, du western engagé au niveau humaniste et beaucoup de dessinatrices, animées d’un feu sacré fabuleux».
Un dessin vaut mieux qu’un long discours
La rencontre s’inscrivait dans le cadre du projet « La Société des bulles » que mène l’APLL. «Nous avons réuni 4 classes. C’est notre mode opératoire habituel : mener des activités en commun pour questionner, parler tolérance, humanisme. Avec la Société des Bulles, nous essayons de sortir du cadre, de prendre de la hauteur, de faire progresser notre pensée», explique l’un des professeurs.
Sur le blog de Jacques Schraûwen, des interviews, critiques et portraits mais aussi cette réflexion : «Sans mémoire, sans souvenance de ce qui fut, de ce qui a été, il est impossible d’appréhender le présent avec intelligence… avec perspective… ».
https://www.etudierenhainaut.be/athenee-provincial-la-louviere.html